Une femme qui disparaît, puis qui revient dans la peau d’une autre, c’était déjà la matrice de Vertigo (Hitchcock,1958). Ozon la ramène, avec cette fois une déclinaison transgenre. C’est le mari survivant (Romain Duris) qui prend la place de l’épouse morte (Isild Le Besco) en portant ses fringues, une perruque blonde, glissant de la place du père à celle de la mère de leur nourrisson. Dans cet imaginaire hitchcockien à l’érotisme morbide, une jeune femme (Anaïs Demoustier), la meilleure amie de la défunte, tient la place que James Stewart-Scottie tenait dans le suspense d'Hitchcock car elle voit son propre désir (lesbien et réprimé) libéré par la transformation de Romain Duris. Sur ce thème de la mutation à la fois de l'identité sexuelle et du désir sexuel et avec Nicole Croisille en piqure de rappel, François Ozon nous livre une oeuvre troublante mais très claire dans son propos. En effet, c'est la force de « Une Nouvelle Amie » de ne rien céder sur la radicalité du sujet : tous les rôles (genrés, sexuels), toutes les places (père, mère) sont échangeables dans cette construction sociale de la famille à l'opposé du souhait que beaucoup ont de la figer à jamais dans une conception immuable, héritée du catholicisme le plus obtus. Cinéaste aussi prolifique que talentueux, François Ozon offre à la sublime Anaïs Demoustier (Claire) un rôle plein de nuances et extrêmement sensuel. A ses côtés Raphaël Personnaz et Romain Duris sont, différemment, surprenants.