Ovni cinématographique indéniable, obscur et trash, entre la terre la plus rêche et le ciel le plus noir, O Fantasma est une œuvre aride qui interroge les mutations de l'homme à l'heure de l'incommunicabilité. Dans la Lisbonne de la nuit, Sergio l'éboueur se perd dans sa quête pulsionnelle et irrésolue de l'autre. Plans-séquences muets, étincelants comme l'étoile, réalité sexuelle et brutale, tout participe d'un cérémonial funèbre et animal. Car soumis à des pulsions bannies par nos sociétés post-modernes, le redevenir-animal de l'homme est inéluctable. Après l'explosion de l'individu en lui-même dans un narcissisme pervers, « Je » n'est plus que jamais un autre. Peau de latex, regard sauvage, la mutation a déjà commencé. Déployé sur les mêmes cordeaux que les splendides apocalypses de Tsaï Ming-Liang, O Fantasma est plus qu'une mise en scène de la pulsion et du fantasme homosexuel. Le film de Rodrigues parle avant tout du fantôme que l'homme est aujourd'hui devenu. Sous l'influence des avant-gardes homosexuelles des 60-70 (Querelle de Fassbinder, Salo de Pasolini, les films de Schroeter) ainsi que de la vague porno gay américaine (fétichisme, bondage, les films de Bruce LaBruce), O Fantasma est le « Chant d'Amour » (Genet) du 21ème siècle : sombre, violent et trivial mais beau comme un éclat de lave bleue.