za. 09/12/2017 - 19:00
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Un monde post-sida. Vraiment?

A l’heure où le dépistage sort des murs des hôpitaux et des centres spécialisés (autotests et tests à lecture rapide, à faire à la maison ou dans les associations communautaires), de la PrEP - ce traitement pré-exposition qui empêche le virus de pénétrer l’organisme quand on est séronégatif, des traitements post exposition, du virus qui est devenu intransmissible quand on est séropositif avec une charge virale indétectable et qu’on est sous traitement… : comment le VIH et le sida sont-ils vécus aujourd’hui en Belgique dans la communauté gay ? La PrEP, sur les applis de drague, beaucoup de monde indique la prendre aujourd’hui, alors que ça ne fait que 5 mois qu’elle est remboursée en Belgique. Pourtant, il y aurait seulement un millier de personnes sous PrEP dans notre pays -> ça veut dire quoi ? Il y a aussi les traitements post-exposition, à prendre dans les 48h après exposition à un risque. Certains en ont déjà fait 2, 3, plusieurs -> Ce type de traitement est-il devenu aujourd’hui une option de prévention, tout comme l’est le préservatif ? Il y a encore aujourd’hui l'intransmissibilité du virus pour une personne séropo sous traitement anti-viral avec une charge virale indétectable (tellement réduite qu’on n’arrive plus à la détecter dans le sang) (traitement comme prévention – « TasP » -10 ans déjà). Mais même à 10 ans de cette découverte, il y a toujours cette crainte : est-ce sûr ? Puis-je faire confiance ? Et des hommes toujours à convaincre, un à un. En parallèle, il y a la tentation des pouvoirs publics de réduire le budget dédié à l'épidémie (et donc à l'accompagnement des personnes séropos et à leur qualité de vie). On a annoncé récemment et de manière officieuse une baisse de 43% dans le budget des « Centres Référence SIDA ». Le VIH « ne serait plus désormais qu’une maladie chronique »... -> le VIH, une maladie chronique comme une autre ? Alors, avec tout ça, SIDA et VIH vont-ils être amenés à disparaître ? Le nombre de contaminations est dernièrement en diminution. Mais à Bruxelles, 2 gays sur 10 sont séropositifs. Toute cette offre de prévention est-elle réellement connue, accessible et utilisée par tous ? Moins de contaminations, cela veut-il dire que le VIH lui-même est en train de disparaître ? De disparaître de notre quotidien ? Ou disparaît-il seulement de notre imaginaire collectif ? De nos consciences ? Et quelle place dans tout ça pour les personnes séropositives ? Qu’en est-il de la sérophobie ? Les discriminations que subissent les personnes séropos vont-elles disparaître avec la diminution des risques de contamination ? Ou cette sérophobie risque-t-elle au contraire se renforcer car « avec tout ça, si tu es contaminé, c’est que tu l’as bien cherché quand même » ? Enfin, qu’est-ce que ça change tout ça dans nos représentations. Historiquement, il y a un fort lien entre VIH et « Mouvement Gay ». Y a-t-il un fossé avec les générations précédentes pour lesquels la lutte contre le SIDA et le VIH était fondamentale pour l’identité gay ? De nombreuses lois LGB en découle (ex. : mariage). Mais aujourd’hui, le VIH, « ça se gère. C’est plus un combat ! ». D’ailleurs, il est aussi bien moins présent dans l’espace public, non ? Bref, c’est dépassée ou toujours d’actualité la « militance VIH » ? *** En guise de compte-rendu Si le VIH n’a pas disparu, les contaminations se poursuivant, elles semblent désormais moins faire débat chez les gays. Il y aurait une grande distance entre gays séropositifs et gays séronégatifs. La gueulante, elle, a rapproché, une heure et demie durant, une vingtaine de personnes. 1er gros sujet : la PreP (ou prophylaxie pré-exposition, un traitement préventif de l’infection au VIH). S’il semblerait qu’elle ait suscité des débats sur le statut sérologique aux Etats-Unis et en France (encore que, les débats y ont peut-être plus eu lieu sur les applis de drague, et moins au sujet de la prévention qu’au sujet des pratiques sexuelles – avec ou sans capote), cela ne semble pas avoir été le cas en Belgique (d’ailleurs, son existence y est-elle bien mise en avant ailleurs que dans les centres de référence SIDA, en particulier dans les établissements où l’on peut réduire la distance avec son prochain ?). Et la PreP : - Génère peut-être un relâchement de la vigilance (également du fait de la disparition du VIH de la conscience collective) à la fois vis-à-vis des risques de contamination au VIH et vis-à-vis des autres MST, dont la PreP ne protège pas ; d’un autre côté, semble conférer à certains un sentiment de plus grande liberté (car si l’on manque peut-être encore de recul sur ses effets, et qu’il ne s’agit que d’un outil en plus dans la lutte contre le SIDA, son intérêt est peut-être psychologique : baiser sans capote serait à nouveau possible) ; - Pose peut-être le problème de l’accès au traitement, et de la réduction des contaminations dans certaines classes sociales dans certaines régions du monde, peut-être les moins favorisées et les moins précaires, et moins dans les autres ; d’un autre côté, des génériques, moins onéreux, existent. La PreP, on a aussi évoqué son remboursement, et l’incompréhension/opposition que la mesure a pu susciter là où elle a été prise. Cela illustre peut-être : - Un certain rapport à la sécurité sociale (pourquoi payer pour ceux qui boivent, ceux qui fument, ceux qui baisent ?) ; - Une certaine difficulté, dans certaines sphères politiques, à parler de ce qui touche au sexe. Pour les gouvernements, la décision du remboursement, même si les critères de prescription sont stricts (et poussent parfois à exagérer, auprès de l’autorité médicale, ses pratiques sexuelles – dont le chemsex), pourrait quant à elle s’expliquer par un pragmatique calcul des coûts : prescrire et rembourser la PreP reviendrait ainsi moins cher que d’assurer le traitement des personnes atteintes du VIH. Reste que la prise de médicaments pour assurer la protection contre l’infection ne fait pas l’unanimité (que ce soit dans le corps médical, pour des raisons éthiques, ou parmi les gays). 2nd gros sujet : l’évolution de la socialisation des gays (qui passait peut-être plus, avant, par le sexe), en lien avec le niveau de prise de risque. On a peut-être aujourd’hui une perte de la dimension politique (qu’elle soit consciente ou non) de la socialisation, via l’appropriation de lieux (pissotières, parcs…) dédiés à la rencontre sexuelle, au profit de comportements plus hétéronormés ; d’un autre côté, cette évolution réduit peut-être également le risque d’infection par le VIH. Pour boucler la boucle, rien de tel qu’un tour de ring : et la capote dans tout ça ? Est-ce qu’elle a fonctionné ? Pour une certaine génération, il semble que oui, elle a protégé, mais à quoi a-t-elle sensibilisé ? Au VIH oui, mais aux autres MST ? La PreP, qui ne protège que du VIH, remet en lumière des mots compte-triple, tels que gonorrhée. On en reparle lors d’une prochaine gueulante ?

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